04/25/2024

Liberté, Egalité, Fraternité, Laïcité.

Ce vendredi 24 juin, lors de la séance publique, le Département de l’Isère à adopter une nouvelle charte de la laïcité. Le groupe UGES tient à saluer le travail sérieux qui a conduit à l’élaboration de cette charte qui réaffirme ce principe fondamental de notre République. Trop souvent instrumentalisée, sujette à polémiques multiples, la laïcité doit rassembler largement, au-delà des divergences politiques.

La France est un pays riche d’une diversité culturelle exceptionnelle, qui en fait toute sa beauté, sa grandeur et son rayonnement. Nous ne sommes pas la France que nous étions il y a 50 ans et certainement pas celle que nous serons dans 50 ans. La culture française est une culture ouverte, qui s’enrichit des différences, un carrefour de sensibilités, dans laquelle l’identité française ne se résume pas à un visage unique ou à une parole univoque.  La France a aujourd’hui des millions de visages, aux couleurs, aux traditions et aux religions diverses…

Nous sommes dans un pays où plus de la moitié des personnes confient croire à une religion et où cette appartenance est très diverse, tout en restant le pays qui connait le plus grand nombre de personnes se déclarant athées. Cette pluralité doit nous amener à actualiser la représentation que nous avons de notre identité collective, pour que la République reste forte de cette richesse. Et la laïcité peut être, doit être, pour cela un véritable outil au service de la liberté, de l’égalité et de la fraternité.

C’est le « Génie de la France », selon le philosophe Abdennour Bidar, membre du conseil des sages de la laïcité, que d’avoir su penser dans le même temps la liberté religieuse et la liberté politique. La laïcité nous dit qu’aucune religion ici en France ne fera sa loi : elles seront toutes et toujours les bienvenues, -aussi longtemps qu’elles riment avec liberté-, mais n’y exerceront jamais aucune ambition de pouvoir. C’est bien là la finalité de la loi laïque de séparation de l’Église et de l’État du 9 décembre 1905 qui ôte tout pouvoir politique à la religion et tout pouvoir religieux à la politique.

L’État laïque est donc parfaitement impartial : il organise de manière juste entre tous, le respect et le bénéfice des valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité.

Liberté et égalité entre athées, agnostiques et croyants. Chacun peut croire ou ne pas croire, dans sa propre liberté de conscience.

Mais aussi fraternité car ils peuvent se retrouver sans peur, dans le bénéfice des mêmes droits, car l’État protège et garantit le libre exercice des cultes, quels qu’ils soient. Et c’est bien la vocation même du principe de laïcité que de « rassembler » et non diviser.

Pourtant, la laïcité est aujourd’hui devenue sujet de discorde plutôt que de concorde et s’est rangée depuis plus de vingt ans au premier rang des « passions françaises ».

Un sondage commandé en 2020 par l’Observatoire de la Laïcité montre : qu’une large majorité de personnes sondées jugent la laïcité comme trop souvent « associée dans le débat public à des polémiques » et « instrumentalisée par les personnalités politiques ». Il en découle que seule une minorité de Français estiment que « la laïcité, en pratique, est un principe qui rassemble ».

A force de confusions, de contre-sens, de détournements sémantiques, de visions borgnes, qui ne sont souvent rien d’autre que le fruit d’une instrumentalisation politique dangereuse, la laïcité a trop souvent été utilisée comme une arme idéologique.

C’est ainsi que le Front National et une certaine droite conservatrice et réactionnaire ont lancé une inacceptable offensive idéologique pour s’accaparer la laïcité dans leur combat contre une seule religion, l’Islam. Selon eux, disons-le clairement, la laïcité doit être au service du racisme, doit permettre de réduire des droits en rejetant l’expression de toute identité ou appartenance autre que celle d’une identité française unique et fantasmée… la laïcité comme paravent d’un discours anti-immigration, la laïcité comme étendard du rejet des différences.

En réaction, une autre vision a émergé ces dernières années, celle d’inspiration libérale anglo-saxonne qui prétend, au contraire, que toutes les identités sont légitimes à s’exprimer sans frein dans l’espace public, sans quoi le néo-sacro-saint « individu » est fondé à dénoncer la stigmatisation et la discrimination de sa non moins sainte « différence ».

Ces deux lobbies monopolisent la sphère médiatique, et rendent désormais inaudible toutes formes de nuance. Ils nous imposent un affrontement dans lequel l’escalade vers des positions radicales et caricaturales devient inquiétant.

C’est entre ces deux visions excessives, voire agressives, que réside sans doute le chemin de la réconciliation qui elle seule pourra garantir la cohésion nationale.

Car la laïcité est à la fois républicaine : elle unit le peuple dans la même garantie de droits –

et à la fois démocratique : elle garantit à toute la diversité des citoyens la même égalité des droits. Démocratie, République, l’un équilibre l’autre.

La république des citoyens libres et égaux unifie la diversité en offrant des principes dans lesquels chacun, avec ses différences, peut trouver la plus grande justice. Elle empêche ainsi que la démocratie ne produise une société en miettes, atomisée en une mosaïque de communautés.

La démocratie, de son côté, fait valoir les droits du multiple, le besoin légitime d’expression et de reconnaissance de chaque individu dans sa singularité personnelle. Elle empêche ainsi que la république bascule de l’unification nécessaire à l’uniformisation des identités.

Le multiculturel ne s’oppose pas à l’universel.

Nous savons que c’est bien l’état d’esprit général de la très grande majorité des initiatives associatives, qu’elles soient culturelles, sportives, sociales, éducatives… qui se déploient ici en Isère comme partout en France. Les associations seront engagées dans ce Contrat d’Engagement Républicain que nous trouvons en annexe 2 puisque que la loi nous l’impose désormais – les discussions ont eu lieu au Parlement et nous n’y reviendrons pas. Aux acteurs associatifs, nous voulons dire combien nous sommes conscients de votre contribution essentielle à la paix et à la cohésion sociale du pays, de votre travail quotidien pour faire vivre les valeurs de la République. Vous, acteurs associatifs engagés, vous nous trouverez toujours à vos côtés pour lutter contre toute atteinte à votre liberté d’expression, d’associations ou de réunions. Et nous savons pouvoir compter sur les services du Département pour mettre en œuvre ce Contrat d’Engagement avec rigueur, mais aussi écoute, bienveillance et bon sens.

Pour conclure, même si nous aurions souhaité que cette Charte associe aussi d’autres partenaires dans son élaboration, comme les structures d’éducation populaire et de jeunesse ou qu’elle associe un conseil de jeunes par exemple, même si nous aurions souhaité que cette charte :

  • évoque explicitement les obligations des élu.e.s ;
  • précise symboliquement que l’accès aux services publics est garanti pour tous les usagers quelles que soient leur religion ou leur croyance ;
  • rappelle les valeurs positives de la laïcité telle que l’émancipation de tous :
  • et réaffirme enfin l’égalité entre les femmes et les hommes ;

Même si nous aurions souhaité tous ces ajouts, nous reconnaissons aussi le sérieux du travail technique qui a conduit à l’élaboration de ce document. Nous osons croire aussi que cette Charte, si telle est la volonté de votre majorité, pourrait œuvrer à la réconciliation de visions excessives et agressives, souhaitons-le en tous cas, et c’est l’état d’esprit qui nous anime.

Aussi, à travers le vote favorable du groupe UGES nous voulons contribuer à rendre à la laïcité sa dignité éthique et politique et sa valeur de paix.