04/25/2024

Face à la crise, une politique du Logement bien timide

Dans le cadre du budget primitif 2023, le chapitre consacré au logement débute par un rappel des problèmes liés à la précarité énergétique, à ceux liés au mal logement, à l’habitat indigne, à l’hébergement des plus défavorisés, on aurait donc pu croire que nous allions pouvoir voter des financements conséquents sur ce chapitre.

Un contexte dramatique

Le contexte est dramatique. Il nous oblige à rappeler à nouveau, comme le disait déjà en 1954 l’abbé Pierre, que « nous devons prendre conscience de la détresse dans laquelle vivent des centaines de milliers de nos concitoyens ?  C’est, pour nous, une exigence tout simplement humaine ».

Cette année encore, les chiffres sont frappants. Le rapport de la Fondation Abbé Pierre fait état de :

  • 4,1 millions de personnes mal-logées en France, dont 300 000 personnes à la rue, soit près du double de 2012,
  • 22 189 personnes vivant dans des lieux de vie informels (squats, bidonvilles…) en 2021, soit une augmentation de 12% par rapport à décembre 2018,
  • Une production de logements sociaux à un niveau qui n’a jamais été aussi bas depuis 15 ans alors que la demande ne fait, elle, que progresser,
  • Une hausse de +154% sur les prix des logements depuis 20 ans.

L’Isère présente un tableau analogue. L’ensemble des associations du secteur sont en alerte. Un toit pour Tous, le Secours Catholique, le Secours Populaire, Droit au Logement, toutes soulignent que l’Isère ne fait pas exception à ce constat national: «On sait que les jeunes sont surreprésentés dans les demandes d’hébergement : les 15-30 ans représentent 39% des demandes au 115 quand cette tranche d’âge ne pèse que 19% dans la population iséroise. Sans surprise, on retrouve également parmi ces demandeurs une majorité de personnes seules et de familles monoparentales : elles représentent près de 80% des demandes au 115 et 68% des demandes de logement social, quand elles ne représentent que 43% de la population iséroise. A noter que 62% des demandeurs de logement social sont sous les plafonds PLAI, soit moins de 945€ par mois pour une personne seule. »

Le nombre de logements disponibles reste largement insuffisant. Depuis la loi Besson de 1990, instituant le droit au logement, l’état de la France a bien changé. La population, au départ limitée, visée par ces dispositifs n’a cessé de croître. L’explosion du chômage, l’apparition des travailleurs pauvres et des classes moyennes inférieures basculant dans la précarité sont venues bousculer et saturer les aides et les droits mis en place. La demande en logements sociaux explose, le standard du 115 surchauffe et le droit au logement opposable patine.

À l’heure où fleurissent les discours sur la fraternité et le vivre ensemble et où des actes citoyens de solidarité concrète se développent, on mesure ici l’étendue de la tâche. Il n’y a pas qu’en politique que les extrêmes se développent… Que dire d’une société où 10 % de la population possèdent la moitié du patrimoine immobilier et où 3,5 millions de personnes sont sans logement ou hébergées dans des conditions précaires ?

Pas de coup pouce pour le Fond de Solidarité Logement

Le Secours Catholique nous alerte sur le fait que les frais liés au logement absorbent plus de la moitié des ressources perçues par les ménages. Le loyer et l’énergie sont les deux principaux postes d’impayés (respectivement 40% et 39% des ménages en impayés) en 2021. Des ménages qui doivent faire le choix entre manger et se chauffer, avec des conséquences sur leur santé physique et mentale, des conséquences sociales, avec l’isolement dans lequel ils s’enferment.

L’Isère fait partie des Départements où les difficultés de paiement de la facture de chauffage sont plus élevées que la moyenne nationale INSEE. D’autres Départements ré-abondent le fond, élargissent les critères, travaillent plus sur le non accès aux droits. Le Département de la Gironde et d’autres toutes couleurs confondus ont ré-abondé le FSL sur le volet aides financières destinées à l’énergie pour éviter les ruptures d’approvisionnement, l’inconfort thermique, etc.

Nous avions déjà insisté sur ce point l’an dernier sans être entendu malheureusement ! Il est indispensable qu’en cette période de crise énergétique, le FSL joue pleinement son rôle de soutien aux plus défavorisés !

Pour une politique du logement plus résiliente

En ce qui concerne la rénovation thermique du parc des logements sociaux, le Département devrait être plus dynamique, plus volontaire et être résolument à l’initiative. Par exemple, il devrait inciter au développement du logement social de qualité dans notre département, notamment pour réaliser des économies d’énergie et lutter contre le réchauffement climatique (constructions neuves et réhabilitations).

Autre exemple :  au titre des solidarités territoriales, le Département pourrait proposer de rénover les passoires thermiques en rendant prioritaire la réalisation de travaux complets et performants chez les personnes les plus pauvres, avec un reste à charge nul ou minime après travaux.

Autre exemple encore : dans le Calvados, les aides à la rénovation énergétique vont jusqu’à 30 000 € hors taxes. Le taux d’aide publique peut aller jusqu’à 80% pour les autres. Pour ce faire, il faudrait ainsi abonder plus largement le Programme « Mieux habiter et sortir du mal logement ».

Même si en Isère avec Alpes Isère Habitat le parc social a augmenté ces dernières années, il reste néanmoins à flux tendu. Parviendra-t-il à absorber les nouvelles demandes ? Selon l’Union Sociale pour l’Habitat, qui regroupe les organismes français de logements sociaux, une « crise du logement » nous guette dans les prochaines années, faute, selon elle, d’un nombre suffisant de chantiers HLM engagés depuis 2018.

En sept ans, la demande de logement social a progressé cinq fois plus vite que le nombre de ménages et deux fois plus vite que le nombre de logements sociaux, pour atteindre 2,2 millions de ménages. Alors que la production de logements sociaux est en baisse constante depuis 2017. C’est pourquoi le groupe UGES souhaite que le Département porte avec plus de force le développement du logement social auprès de toutes les communes.

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