04/30/2024

Un budget Enfance-famille qui ne s’adapte pas aux alertes du terrain

Sophie Romera, conseillère départementale de Grenoble 1, est intervenue sur le budget Enfance et famille lors de la Séance publique du Budget primitif pour 2023. Bien que le rapport proposé dresse un constat que le groupe UGES partage sur les difficultés croissantes dans les familles, la part importante d’enfants à protéger concernés par le handicap, des recrutements de professionnels qualifiés de plus en plus compliqués, une réduction du nombre de familles d’accueil, ni le budget, ni les orientations politiques présentées ne s’attèlent aux problématiques de fond.

Il est ici question de protéger des enfants malmenés par la vie. Cela implique de leur proposer un nouvel aiguillage et de les accompagner pour qu’ils et elles puissent se réparer et ainsi casser le cycle de la souffrance. Leurs histoires personnelles sont toutes différentes. C’est pour cette raison qu’il nous semble essentiel de maintenir un éventail d’accompagnements et d’accueils différents, tout en retravaillant les différents dispositifs pour les améliorer, permettre plus de réactivité et plus de souplesse pour répondre de façon plus adaptée aux besoins de ces enfants.

Il ne peut y avoir de réponse unique à la protection de l’enfance. Nous ne pouvons décider à l’avance du mode d’accompagnement de chacun de ces enfants. D’autant que leur nombre s’accroît. C’est un sujet difficile, parce que ces parcours de vie douloureux nous touchent au plus profond de nous-mêmes. Pourtant, il n’y a pas de place pour un quelconque dogmatique, c’est l’intérêt de l’enfant qui doit nous guider. Pour protéger un enfant, il faut d’abord le croire, puis créer une rupture avec la violence. Le doute doit toujours profiter à l’enfant.

Pour cela, il nous faut lutter contre le phénomène de « silenciation » qui se met en place dans notre société pour ne pas bousculer l’ordre établi, et la famille en fait partie. C’est donc collectivement et par un travail pluri-disciplinaire que notre Département doit travailler : en impliquant les professionnels, les assistants familiaux, les enfants et les familles. Et libérer la parole.

Une part importante des enfants à protéger est en situation de handicap. Or la majorité départementale propose, comme l’année dernière, deux unités de 5 places, alors qu’ils représentent 19 % des enfants protégés. Soit plus de 1300 enfants en 2022. C’est insuffisant.

Les recrutements de professionnels qualifiés de la protection de l’enfance sont de plus en plus compliqués : la tentation de la majorité de les remplacer par des professionnels d’autres secteurs, donc non qualifiés spécifiquement, nous inquiète.  C’est à la fois mettre ces nouveaux embauchés en grande difficulté mais c’est aussi réduire la qualité de l’encadrement des enfants
Au contraire, il s’agit d’œuvrer pour améliorer les conditions de travail des professionnels de l’ASE. Nous devons soutenir et accompagner ces équipes. Ils sont aujourd’hui en grande souffrance eux aussi. Bon nombre sont en perte de sens. Ce sont des métiers très durs parce qu’exposés à la souffrance d’enfants au quotidien, mais ils et elles sont engagé.e.s et méritent que leurs élu.e.s les accompagnent. Sans compter que l’important turn-over actuel entraîne inévitablement une rupture de confiance de la part des enfants, qui  n’ont vraiment pas besoin de ça. Il y a un véritable manque de reconnaissance de ces métiers de la Protection de l’Enfance et nous devons travailler à valoriser la profession et mieux l’accompagner.

Concrètement, il y a de plus en plus d’enfants à protéger, de moins en moins de professionnels pour les accompagner (-10 % d’éducateur spécialisé entre 2012 et 2017) et donc de moins en moins de professionnels formés dans ces métiers. Alors travaillons à inverser cette tendance.


Le nombre des familles d’accueil diminue année après année : 40 % d’entre eux seront à la retraite d’ici 5 ans, et c’est un constat national. La majorité départementale évoque dans ce rapport une campagne de recrutement des assistants familiaux. Nous partageons ce besoin mais pour réussir il y a des pré-requis. Nous demandons à ce qu’ils soient encore plus accompagnés, parce que les parcours de vie de chaque enfant dont ils et elles ont la charge, demandent qu’ils soient mieux outillés pour assurer au mieux ces missions. Ces besoins remontent du terrain et il faudra travailler à plus de proximité donc de moyens humains pour les accompagner.  Ils demandent une meilleure reconnaissance de leur métier, mais aussi des temps de répit, plus de stabilité dans les placements et une évolution des moyens alloués au quotidien des enfants.

– Autre évolution, la loi du 7 février 2022 qui inscrit la fin des séparations des fratries. Comment le Département souhaite la mettre en œuvre sans accélérer la création de places en structure ou en familles d’accueil ?

– Cette même loi garantit un accompagnement de ces jeunes jusqu’à 21 ans. Le rapport proposé mentionne d’« Accompagnement des jeunes vers l’autonomie en approche de leur majorité ». Pourtant, nous devons casser cette spirale de la souffrance et faire en sorte d’améliorer les terribles statistiques actuelles : 1 jeune SDF sur 3 est passé par l’ASE. Dans cet objectif, le suivi dans le temps de ces jeunes après leur majorité est primordial.

Enfin, la majorité départementale évoque un accroissement des situations de vulnérabilité psychosociale dans les familles, mais dans le même temps réduit les budgets dédiés à la prévention et au soutien à la parentalité (Lieux d’Accueil Enfant Parent, Relais Petite Enfance -50 %). Nous ne vous suivons pas.

Le groupe UGES souhaite que l’Isère soit un département protecteur qui permette à ces enfants victimes de se reconstruire. Pour cela il faudra certainement nous allier à d’autres territoires pour combattre la fatalité et construire ensemble des politiques fortes et combatives. Oui le contexte est difficile, mais justement ! C’est pour cette raison que le budget du Département doit être audacieux et courageux ! Pas de place au repli !

Nous avons toutes et tous été élu.e.s pour agir et pour porter des politiques publiques dans le but de préparer l’avenir. Nous devons être aux côtés de ces enfants et de ces familles, parce que ce sont les citoyennes et les citoyens de demain. Nous le leur devons.

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