04/27/2024

Tarification des cantines des collèges de l’Isère

Intervention de Sophie Romera à propos de la tarification unique à 2€ proposée par la majorité départementale et pour lequel le groupe UGES a déposé un amendement avec tarification dégressive du quotient familial.

« Le rapport qui nous est proposé au vote aujourd’hui peut sembler technique, pourtant il est éminemment politique.
Il aura des impacts dans plusieurs secteurs différents, avec des questionnements auxquels notre collectivité va devoir répondre.
– Concernant la probable augmentation des approvisionnements alimentaires, comment celle-ci va-t-elle être anticipée et gérée ?
– Autre point, alors même que beaucoup reste encore à faire sur le sujet, comment préserver la part de bio et de local ?
– Et comment garantir une même qualité des repas à nos enfants ?
En résumé, quels vont être les différents indicateurs mis en place ?
Et puis cette délibération comporte évidemment un volet social :
En effet, le Département de l’Isère compte aujourd’hui près de 53 000 collégiennes et collégiens. Toutes et tous sont susceptibles de déjeuner au restaurant scolaire de leurs établissement et donc d’avoir accès à une repas complet et équilibré.
Pourtant 37 500 d’entre eux y vont réellement, soit 70 %. Par déduction, c’est 30 % de ces enfants, soit quasiment 1 sur 3, qui déjeune à l’extérieur de l’établissement.
Nous devons nous interroger sur l’origine de ces freins et sur les leviers à actionner. Si pour certaines familles c’est effectivement un choix volontaire, c’est pour d’autres un choix contraint.

La question financière est évidemment un obstacle important et votre rapport, Monsieur Le Président, va dans ce sens…SAUF, qu’il laisse sur le bord du chemin cet enfant sur trois dont, soyons clair, la situation ne va pas changer si nous ne complétons pas quelque peu le rapport de ce jour.

Parce que 2 € pour une famille au SMIC ça n’est pas la même chose que 2 € pour une famille dont les revenus sont élevés.
Ca me fait penser à la TVA, l’impôt le plus injuste parce qu’il s’applique à toutes et tous de la même manière.
Un tarif unique ne peut pas être juste, c’est mathématique.

Il est donc essentiel de s’assurer que le prix des repas dans les cantines des collèges publics isérois ne sera pas un frein pour les familles les plus précaires, notamment dans ce contexte de crise sanitaire et sociale.
Parce que ce sont eux qui ont encaissé les plus lourdes conséquences de la crise, ce sont leurs emplois qui ont été suspendus ou même supprimés, ce sont eux qui n’ont pas pu bénéficier du télétravail.

Le tarif moyen du repas est actuellement de 3,90€ et, nous en sommes d’accord, le système actuel de tarification qui comprend quatre tranches relativement basses, ne répond pas à l’équité attendue par les familles iséroises, notamment celles dites de la « classe moyenne ». Mais parce que l’accès à la restauration scolaire, essentielle à la santé de nos enfants, ne doit pas dépendre des contraintes financières des familles, nous vous proposons d’aller encore plus loin.

Et je m’explique :
Sans toucher au cœur de cible du rapport, c’est-à-dire aux classes dites « moyennes », nous vous proposons d’inclure également ces familles dans le besoin, dont la situation est encore plus difficile depuis 1 an et demi.
C’est l’esprit de l’amendement qui vous a été déposé sur table : une tarification avec un barème à plusieurs tranches, plus juste pour toutes les familles, parce que progressif en fonction de leurs revenus :
– une 1ère tranche avec un repas à 0,50 € pour les familles dont le Quotient Familial est inférieur à 630 (soit, pour un couple avec 2 enfants,  des revenus mensuels nets imposables inférieurs à 1 900 €)
– une 2ème tranche avec un repas à 1 € pour les familles avec un Quotient Familial entre 631 et 1000 (soit, pour la même typologie de ménage, des revenus entre 1 900 € et 3 000 €)
– une 3ème tranche avec un repas à 1,50 € pour les familles avec un Quotient Familial entre 1001 et 1500 ( soit des revenus entre 3 000 € et 4 500 €)
– une 4ème tranche avec un repas à 2 € pour les familles avec un Quotient Familial entre 1501 et 2000 (soit des revenus entre 4 500 € et 6 000 €)
– et une 5ème et dernière tranche avec un repas à 3 € pour les familles avec un Quotient Familial supérieur à 2001 (soit des revenus du foyer supérieurs à 6 000 €).

Nous proposons également, dans cet amendement, d’appliquer une tarification progressive pour les élèves d’internat, ce qui n’était pas le cas jusqu’à aujourd’hui. Cette proposition que nous vous soumettons  est plus inclusive et ne laisse aucune famille de côté :
– En effet, elle sera favorable aux classes dites « moyennes » qui verront leur pouvoir d’achat effectivement augmenter,
– elle sera plus juste pour les familles les plus en difficulté, qui, vous le savez, sont de plus en plus nombreuses depuis la crise sanitaire. Et leur panel s’est malheureusement élargi.
– et puis elle sera également plus favorable aux familles plus aisées, qui verront aussi leur facture diminuer.

C’est gagnant-gagnant pour tous, mais aussi équilibré pour la collectivité, les repas à 3 € de la 5ème tranche finançant ceux de la 1ère à 0,50 €. Parce que la question de l’incidence financière pour la collectivité est aussi à prendre en compte, et je m’étonne d’ailleurs que ce rapport soit annoté comme étant « sans incidence financière » (page 1 du rapport).

En conclusion, nous vous demandons, Monsieur Le Président, d’étudier cet amendement, qui répond à notre mission première d’élus départementaux : penser nos politiques pour toutes les iséroises et tous les isérois. »

Amendement proposé par le groupe UGES et refusé par la majorité départementale.

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